HISTOIRE

La personne à l’origine de la construction du cinéma théâtre « Le Normandy » s’appelle Mme Berthe Chometon (PHOTO). Tout commence durant la guerre 14-18, lorsque le mari de Mme Chometon est fait prisonnier par les Allemands. C’est là qu’elle imagine un lieu convivial où beaucoup de personnes pourraient se réunir et passer de bons moments. Son rêve d’ouvrir un cinéma théâtre est né.

Son mari revenant de la guerre sain et sauf. elle économisa ensuite pour accomplir ce rêve et ouvrir un cinéma. En 1933, elle prend tout ce qu’elle a économisé, revend son restaurant mais la somme n’est pas suffisante. Elle s’associe finalement avec le mari de sa sœur, Mr Louis Noblet, afin d’avoir un apport financier convenable.

Elle fait appel à l’architecte Mr Henri Daigue (PHOTO), qui était un ami de la famille, afin de réaliser l’intégralité des plans et de l’architecture du lieu, dans un style assumé art déco. La salle ouvre donc en 1934 et dans les journaux de l’époque, il est fait mention de Mr Chometon et Mr Noblet. A cette époque, le signataire est souvent l’homme de la famille, malgré que ce soit la femme qui s’occupe de tout. Pourtant, la gestion est réalisée par Berthe Chometon et la vente des tickets à la caisse est assurée par Georgette, sa fille.

La capacité totale de la salle est d’environ 1200 personnes à l’ouverture en 1934, dans la salle c’est 586 places en fauteuils, 106 places en strapontins au bout des allées soit 688 places en tout. Dans les gradins c’est 373 fauteuils, 43 strapontins, 60 fauteuils en loges pour un total de 476 places. (Total 1164 places) Pour comparaison, en 1991, date de fermeture définitive du Normandy, elle n’est plus que de 800 personnes, les normes et aménagements de sièges faisant réduire le nombre de personnes pouvant être accueilli.

Quelques années après l’ouverture du Normandy, Mme Chometon rachète un restaurant au Havre, le bar du téléphone, rue Anfray et décide d’en prendre la dircertion. Elle confie donc la gestion du Normandy à sa fille Mme Georgette Desmares ainsi qu’à son mari Rolland Desmares. En 1949, suite au décès de Mme Chometon, Mr Desmares continue la gestion du Normandy, tandis que sa femme Georgette est transférée à la gestion du restaurant.

Comme nous avons pu le dire précédemment, le mari de Mme Chometon est emprisonné durant la 1ere guerre mondiale par l’armée allemande. C’est cette même armée qui, durant la seconde guerre mondiale, 22ans plus tard, va réquisitionner le lieu créé par sa femme et y diffuser des films. L’ambiance devait y être assez étrange…

Sur la première photo, qui date de 1954, nous pouvons observer plusieurs centaines de personnes qui font la queue pour accéder au Normandy. Nous pouvons noter l’absence de voitures ainsi que la présence des anciennes rails de tramway encore en place, malgré l’arrêt des tramways 3 ans auparavant. Le succès de cette salle est en partie dû aux bombardements du Havre. En effet, après-guerre, les principales salles de spectacles sont soit détruites, soit gravement abimées. Le Normandy n’ayant pas subi de dégâts, il pouvait ouvrir rapidement. Les divertissements proposés ensuite, assuraient une grande popularité du lieu.

Retrouvez également des photos plus récentes de la façade, avec des couleurs et des styles, toujours un peu plus éloignés de l’architecture initiale d’Henri Daigue. De plus, les lettres des caissons lumineux ont changé avec le temps pour passer de « Normandy » à « Théâtre ».

La dernière image représente le Normandy aujourd’hui, avec l’architecture la plus ressemblante à l’originale de 1934… La boucle est bouclée.

De très nombreux artistes connus sont venus sur scène ici dans les premières décennies du Normandy, la liste est longue, mais notons ici les artistes tels que :

  • Le chanteur, acteur américain francophone Eddie Constantine
  • L’acteur de théâtre, cinéma et chanteur Sergio (Serge en Français) Reggiani
  • Pianiste, ex régisseur d’Edith Piaf, Gilbert Bécaud

Beaucoup d’autre sont aussi passés, Duck Ellington, Benny Goodman, Sidney Bechet, Claude Luter etc… 

Les spectacles et revues ont fait la popularité de la salle, notamment la comédie musicale « Hair » avec Julien Clerc, la revue de Berjo « L’havrais mis en boîte ». Dans les années 80, le Normandy devient une scène un peu plus rock, avec la représentation sur scène de groupes comme Trust ou Mötorhead.

Durant les dernières années d’exploitation du Normandy, le théâtre spectacle était devenu une activité importante qui a séduit beaucoup d’artistes connus (programme d’exploitation de novembre 1989 à mai 1990) .

Les plus connus : Michel Leeb, Chevalier et Laspales, Les inconnus, Annie Cordy, Smain, Francis Perrin, Jean Lefevre, Les Vamps, Sim.

Le design extérieur avec les 4 grands pilastres est repris à l’intérieur avec la présence de plusieurs colonnes qui partent du sol pour venir s’assembler aux premières corniches hautes. Ces corniches permettent d’y cacher un éclairage indirecte pour éclairer l’angle du mur et du plafond formé par ce très grand arrondi.

La partie plane au dessus, existe encore aujourd’hui, il s’agit du dessous des coursives en bois situées au dessus de nous, elles étaient camouflées par un faux plafond. Ces coursives étaient importantes, elles avaient plusieurs rôles, tout d’abord elle permettent d’accéder à la scène, par la salle du projectionniste situé juste au dessus de nous, en évitant de redescendre au niveau du hall puis de passer par la coursive extérieur située dehors à gauche derrière les issues de secours.

L’autre rôle des coursives était de permettre le changement des centaines d’ampoules à filament décoratif, qui éclairaient indirectement les deux faux plafond pour donner un effet de profondeur sur la hauteur de la salle. Les éclairages étaient éteint durant les films et spectacles.

Plus bas, la scène visible aujourd’hui dans la grande salle, n’est pas la scène d’origine, initialement, jusqu’à 1947, la scène partait du mur du fond et ne faisait qu’un mètre de profondeur, qui était caché, jusqu’au décoration  en forme de coque de bateau. Henri Daigue s’étant largement inspiré du domaine maritime pour l’architecture intérieur. Comme ces deux faux hublots, qui sont en réalité des hauts parleurs, nous en verrons un des deux sauvé de la déchetterie in-extremis.

La scène était équipée d’une avancée qui n’était rien d’autre qu’une fausse à orchestre. Les besoins en décors de plus en plus imposant, le choix des programmations performantes, on conduit à la construction d’une avancé de scène, que l’on peut voir aujourd’hui. La fosse à orchestre est devenu ensuite, lieu de stockage et loges.

En parlant de loges, 4 loges sont encore présentes aujourd’hui derrière la scène, sur le coté droit. Ce sont les premières loges d’artistes du Normandy, avant celle de la fosse à orchestre évoqués juste avant, puis plus tard, d’autres loges d’artistes aménagées sous le haut des gradins.

Pour finir, il y avait également des « loges » privés dans les gradins pour profiter du spectacle avec un peu plus d’intimité, la mieux placée et la plus importante était la loge familiale réservée par Mme Chometon à sa famille et certainement à des invités de marque. Située à l’emplacement exacte de cet écran, elle permet de profiter du spectacle en surplombant la salle, sans visibilité d’autres spectateur des gradins. Bien plus tard, ces loges ont été modifiées et disposées sur l’ensemble du rebord des gradins.

Voici quelques documents qui témoignent du passé du Normandy, en premier lieu, ces deux programmes de février et avril 1946.

Le premier organisé par une amicale du stalag XI B, camps de prisonnier de guerre situé en Allemagne et utilisé durant la 2nd guerre mondiale.

On peut imaginé que Mme Chometon était sensible à ce genre d’association au vue du passé de son mari.

Le second organisé par l’union syndicale des travailleurs de la métallurgie.

On relèvera que tout ces évènement était organisé en deux parties, avec un entracte au milieu. A cette même époque, l’entrée du milieu du Normandy était un bar, on peut imaginer qu’à chaque entracte, le bar devait faire le plein.

Le bar était donc un lieu utile pour un fonctionnement bien précis du Normandy, la fins des spectacles avec entractes, concurrencé en plus par la télévision, ont du rendre le bar moins utile, ce qui amènera à sa suppression.

Nous n’avons pas beaucoup parlé de la période cinéma du Normandy. Pourtant durant toutes les décennies où avaient lieu les spectacles, des projections avaient également lieu. Il n’y a qu’à la fin des années 80 que le Normandy a basculé dans le théâtre exclusivement. Soit quelques années avant sa fermeture.

Ces programmes sont très représentatif de cette période cinéma, ce sont des originaux retrouvés sous la rambarde en bois des anciennes loges. Des spectateurs les ont glissés dans les petits jours qu’il y avait, ne voulant pas s’encombrer. Grace à eux ce sont de belles archives qui ont pu être retrouvé.

Le programme fait la promotion en son centre, d’un ou deux film tout public projeté dans le cinéma. En raison de l’arrivé de la télévision et donc de la baisse de fréquentation des cinéma par le public, le dernier film présenté dans le programme est souvent un film diffusé le samedi soir à minuit, interdit au moins de 18ans. C’étais comme cela tous les samedi.

Voici des billets originaux, de plusieurs type de spectacle et de plusieurs périodes différentes, trouvés dans le cinéma, de façon identique aux programmes du dessus.

Les prix affichées sont en francs et bien souvent en lien avec l’emplacement onéreux des loges du balcon.

D’autres exemples de tickets de représentations et concert utilisé par le public pour justifier de leur achat. La photo liée au concert de Motorhead a été prise dans le Normandy en mai 1979. Le billet pour The Chieftains en novembre 1980. Ceux de Gilbert Bécaud, de 1983 et 1985. Les inconnus en 1989 pour la dernière vague d’artiste.

Le cinéma qu’était le Normandy, a connu plusieurs modifications dans son matériel de projection. Il faut dire qu’à son ouverture en 1934, les films projetés étaient bien sûr en noir et blanc, mais surtout diffusés sur deux bobines différentes, La première partie sur une bobine, la seconde sur une autre.

Le Normandy était équipé très longtemps de deux projecteurs, quand le premier avait déroulé toutes sa bobine, il fallait procéder à un « enchaînement » avec le second projecteur, sans que cela soit visible à l’écran. (Projecteur Philips FP 5 des années 50). Création de la lumière par un arc électrique de 100A, équivalent au dégagement lumineux du soudage à l’arc moderne.

Projecteur 35mm Zenith 4000 qui a remplacé les deux précédents, fins des années 70. Système automatisé, nécessitent très peu de surveillance, le film pouvait être lancé depuis la salle.

RACK EN ACIER VERT

Le gros module que vous avez juste a côté était surnommé « l’asperge » par les projectionniste. Il s’agit de l’armoire à rack contenant tous les pré ampli et les amplificateurs à ampoule Philips. Sont utilité était d’amplifier le signal audio qui sortait du projecteur, récupéré sur les bobines, puis de diffuser le son dans la salle. Cet équipement à été modifié avec le temps pour s’adapter aux différents projecteur. Quand il y avait encore les deux projecteurs, il fallait changer le canal de traitement du signal audio afin que le son suive le changement de bobine.

TRAPPE DE CONTROLE

Afin de vérifier que tout se passe bien en salle, bonne perspective, bon cadrage et bon enchaînement de bobines, deux trappes de contrôle en acier et en verre étaient scellées au mur et utilisées par le projectionniste. Voici une des deux qui a été sauvée in-extremis de la déchetterie par un adhérent de l’association. Elles étaient positionnées juste au dessus de nous (pointer au laser qui sera fourni).

Le propriétaire est en plein travail pour faire du Normandy un endroit chaleureux, accessible, sécuritaire et atypique. Quoi qu’il arrive, ce dernier est motivé à aller jusqu’au bout de la démarche. La restauration de la façade n’est que le début d’un renouveau pour ce lieu, dans son caché d’autant, qui avait son charme mais avec les moyens techniques d’aujourd’hui.

Si vous voulez aider notre association à poursuivre le travail de recherche et de mise en valeur du Normandy, et plus globalement de tout autre lieu en péril, n’hésitez pas à faire un don ou même acheter un souvenir crée par les adhérents pour l’occasion (carte postale, poster). Ne serait-ce que manger au food truck devant, cela permet en quelque sorte, de faire du Normandy à nouveau un lieu de vie.

Si vous voulez aider le propriétaire directement, demandez des renseignements à l’accueil.